09/08/2015


















































































              Il s'appelle Cyrus et rentre de la Légion Etrangère après 14 ans ½ de service. Il parle beaucoup, lentement, avec un accent corse très marqué. Il aura une solde, une retraite, inférieure au montant prévu car il n'est pas allé au terme du contrat, 15 ans. Il me parle de son corps marqué, d'une vie difficile, de la caravane où il va habiter, de sa fille, d'un bébé et d'un chien très loyal qu'il avait. Il fabrique des objets en cuir à partir de vestes qu'il achète dans des friperies.
Il me rappelle des hommes croisés au Foyer Notre Dame des Sans Abris, lorsque je travaillais sur l'hébergement d'urgence, en tant que travailleur social. Combien j'ai croisé d'anciens militaires et légionnaires qui se retrouvaient à vivre dans des conditions très précaires. Tous s'étaient sentis délaissés quand, à cause d'une blessure, à cause d'une connerie, ils en avaient fini avec leur service rendu à l'Etat. Des hommes qui parlaient sans-cesse, d'autres qui semblaient évoluer dans une autre dimension, qui s'accrochaient à ce qu'ils avaient été.

               Nous n'avons pas eu le temps, on y pas pensé, nous ne nous sommes pas présentés. J'avais pris en photo déjà son reflet dans la vitre du train, je l'entendais parler en portugais. Et elle me faisait vraiment penser aux femmes brésiliennes que l'on peut voir dans le Nord du Brésil ou en Guyane, avec leurs origines que l'on suppose amérindiennes. On a commencé à parler et à ma question elle a répondu qu'elle est de Belem et qu'elle vit en France depuis 10 ans. Et nous parlons de l'île de Marajo avec plaisir, cette connaissance commune, de ce lieu si atypique et si simple rend l'instant très agréable et me rattache à là où je vis, en Amazonie française, à une forme d'indolence simple et populaire. Ca me réconcilie avec l'universel et la légèreté, la simplicité des rapports humains. Et elle ça la rapproche de là d'où elle vient, où elle retourne parfois mais pas depuis la naissance de sa petite-fille. A 41 ans, elle est devenue grand-mère et ça, ça lui a foutu un coup de vieux, a-t'elle dit.

              Je me replonge ensuite dans « Mémoires sauvés du vent » de Richard Brautigan. Le train s'arrête en gare de Vienne. Le noir et blanc me semble adapté …

              Arrivé à Lyon, je monte dans un autre train et fais quelques photos en attendant son départ. Il me semble que je photographie la France. La "France qui monte".