04/03/2014

                                
 
                                

                                Moins de 300 000 habitants en Guyane mais tant de peuples différents, quelques villes et villages, des infrastructures, des routes, des cours d'eau par millier et 95 % du territoire recouvert d'une forêt dense, épaisse, à perte de vue. La Guyane a/est « ce truc » totalement absurde. De la civilisation française en Amérique du Sud là où il n'y avait que nature hostile et températures infernales. Une absurdité née de la curiosité et de la cupidité de l'homme, de l'homme (français) de pouvoir.
                                Vint ensuite le bagne, les bagnes, qui se distinguèrent par un ratio détenus / morts plus élevé que celui des camps de concentration. Puis un pas de tir fut crée 30 ans plus tard pour lancer une fusée. Pourquoi pas après tout. Mais là n'est pas le propos.
                                Avec l'élection de Mitterrand en 81, la France se dote d'un Revenu Minimum d'Insertion. Grande et salutaire initiative (pas vraiment le choix de toute façon à moins de réouvrir les bagnes pour y mettre tous ceux que la pauvreté allait pousser à commettre des délits). Salutaire initiative mais peut-être pas pour tout le monde ...
                                Depuis la Départementalisation, les amérindiens ont une carte d'identité française et des noms français pour certains. Puis, en 1988, on leur dit : « On va vous donner de l'argent, prenez c'est de l'argent gratuit ».
                                Celui que certains remercient et nommèrent un temps « Rémi », qui l'eût crû, est en train d'assombrir le devenir d'un peuple, à savoir, les habitants originels de la Guyane, les amérindiens. Un peuple qui est né de la forêt, de l'immensité verte et hostile où il a crée une culture qui s'est développée sous les arbres, et en bordure des fleuves.
                                Cet argent, ce RMI devenu RSA, depuis, est bu sans modération, jusqu'à l'effondrement, par beaucoup d'entre eux. En séjournant quelques jours à Camopi, commune isolée sur le fleuve Oyapoque au sud-est de la Guyane, j'ai rencontré des gens amicaux, des gens « froids », j'ai aussi entendu des choses, ai posé des questions.

                 On m'avait aussi parlé, bien avant, de toutes ces histoires, je n'en revenais pas …

                                Je travaille dans le domaine éducatif, pédagogique avec une forte fibre sociale. La question de la jeunesse, son devenir, ses transformations, me touche énormément. Et la jeunesse amérindienne que je ne connais pas vraiment, me touche, me questionne.
                                A Camopi, sur le fleuve, à 6 h 00 de pirogue d'Oyapoque auxquelles il faut ajouter 3 h 00 de route pour Cayenne, les jeunes générations se fondent un peu dans une vie à « l'occidentale », certains ont été où sont scolarisés à Cayenne. Mais beaucoup de ces adolescents sont tiraillés entre 2 modes de vie, 2 cultures, avec des parents qui ne peuvent pas les accompagner dans cette évolution « schizophrène ». Leurs enfants sont pris entre école, chasse, pêche et vision de « comment la jeunesse mondiale vit » sur internet. Le « déphasage » est total. 

                                En l'espace de 5 ans, une vingtaine de jeunes, des ados ou pré-ados se sont suicidés. Comme perdus entre des univers qui se meurent et d'autres qui se dévoilent, avec sans doute, une autre pression familiale / clanique, un instinct déboussolé, des parents alcooliques, peut-être violents, une conception d'être sur terre différente. Allez savoir ...

                                Un jour en me baladant, j'ai photographié des enfants. Ils s'amusaient en marchant, j'ai demandé si je pouvais les photographier. Ils ont accepté et sont restés silencieux quand ils virent qu'ils ne pouvaient pas se voir dans l'appareil photo (argentique). L'un me faisait des « fuck » avec son majeur et je lui ai demandé pourquoi il faisait ça, et que ce n'était pas bien. Mais il a continué, en faisant comme s'il mettait des coups de griffe à cet homme blanc qui était devant lui. Faut-il y voir un lien de cause à effet ?