Moins de 300 000 habitants en Guyane
mais tant de peuples différents, quelques villes et villages, des
infrastructures, des routes, des cours d'eau par millier et 95 % du
territoire recouvert d'une forêt dense, épaisse, à perte de vue.
La Guyane a/est « ce truc » totalement absurde. De la
civilisation française en Amérique du Sud là où il n'y avait que
nature hostile et températures infernales. Une absurdité née de la
curiosité et de la cupidité de l'homme, de l'homme (français) de
pouvoir.
Vint ensuite le bagne, les bagnes, qui
se distinguèrent par un ratio détenus / morts plus élevé que
celui des camps de concentration. Puis un pas de tir fut crée 30 ans
plus tard pour lancer une fusée. Pourquoi pas après tout. Mais là
n'est pas le propos.
Avec l'élection de Mitterrand en 81,
la France se dote d'un Revenu Minimum d'Insertion. Grande et
salutaire initiative (pas vraiment le choix de toute façon à moins
de réouvrir les bagnes pour y mettre tous ceux que la pauvreté
allait pousser à commettre des délits). Salutaire initiative mais
peut-être pas pour tout le monde ...
Depuis la Départementalisation, les
amérindiens ont une carte d'identité française et des noms
français pour certains. Puis, en 1988, on leur
dit : « On va vous donner de l'argent, prenez c'est de
l'argent gratuit ».
Celui que certains remercient et
nommèrent un temps « Rémi », qui l'eût crû, est en
train d'assombrir le devenir d'un peuple, à savoir, les habitants
originels de la Guyane, les amérindiens. Un peuple qui est né de la
forêt, de l'immensité verte et hostile où il a crée une culture
qui s'est développée sous les arbres, et en bordure des fleuves.
Cet argent, ce RMI devenu RSA, depuis,
est bu sans modération, jusqu'à l'effondrement, par beaucoup
d'entre eux. En séjournant quelques jours à Camopi, commune isolée
sur le fleuve Oyapoque au sud-est de la Guyane, j'ai rencontré des
gens amicaux, des gens « froids », j'ai aussi entendu des
choses, ai posé des questions.
On m'avait aussi parlé, bien avant,
de toutes ces histoires, je n'en revenais pas …
Je
travaille dans le domaine éducatif, pédagogique avec une forte
fibre sociale. La question de la jeunesse, son devenir, ses
transformations, me touche énormément. Et la jeunesse amérindienne
que je ne connais pas vraiment, me touche, me questionne.
A
Camopi, sur le fleuve, à 6 h 00 de pirogue d'Oyapoque auxquelles il
faut ajouter 3 h 00 de route pour Cayenne, les jeunes
générations se fondent un peu dans une vie à « l'occidentale »,
certains ont été où sont scolarisés à Cayenne. Mais beaucoup de
ces adolescents sont tiraillés entre 2 modes de vie, 2 cultures,
avec des parents qui ne peuvent pas les accompagner dans cette
évolution « schizophrène ». Leurs enfants sont pris
entre école, chasse, pêche et vision de « comment la jeunesse
mondiale vit » sur internet. Le « déphasage » est
total.
En l'espace de 5 ans, une vingtaine de jeunes, des ados ou
pré-ados se sont suicidés. Comme perdus entre des univers qui se
meurent et d'autres qui se dévoilent, avec sans doute, une autre
pression familiale / clanique, un instinct déboussolé, des parents
alcooliques, peut-être violents, une conception d'être sur terre
différente. Allez savoir ...
Un jour en me baladant, j'ai
photographié des enfants. Ils s'amusaient en marchant, j'ai demandé si je
pouvais les photographier. Ils ont accepté et sont restés
silencieux quand ils virent qu'ils ne pouvaient pas se voir dans
l'appareil photo (argentique). L'un me faisait des « fuck »
avec son majeur et je lui ai demandé pourquoi il faisait ça, et que
ce n'était pas bien. Mais il a continué, en faisant comme s'il
mettait des coups de griffe à cet homme blanc qui était devant lui.
Faut-il y voir un lien de cause à effet ?